mercredi 18 janvier 2017

Et si on jouait à la vie ?


Parfois un événement nous remet brutalement en perspective de notre propre vie. On se sort la tête du trou, on arrête de chouiner parce qu’il y a plus important à faire, et on agit. Et on se rappelle que la vie, c'est une succession d'évènements, parfois heureux, parfois tristes, et qu'il faut faire avec, et faire au mieux alors qu'on est complètement dépassé.


La semaine dernière, mon petit frère s’est fait renverser par une voiture. Je suis partie 2 jours dans ma famille, relayer ma mère à son chevet.
Au final rien de (trop) grave : Une commotion cérébrale, amnésie, des hématomes, une vilaine plaie au visage, un bras dans le plâtre. Rien qui laissera des séquelles à long terme - à part sans doute une cicatrice.
C’est drôle comme tout est apparu soudain complètement secondaire. Comme il m’est apparu inconcevable d’écrire à Hector, ou au mec-de-la-salle-de-sport. Si : j’ai envoyé un message à Hector pour lui dire que je n’en enverrai pas. Je ne me suis pas donnée cette peine pour le-mec-de-la-salle, vu son rythme d’écriture, et à quel point ce qui me concerne l’intéresse peu.

Au final, Hector a été exemplaire, comme on peut s’y attendre : message de courage jeudi soir et silence pudique, puis prise de nouvelles vendredi matin. Il m’a également avertit que les routes étaient complètement impraticables et que si je n’arrivais pas à rentrer, il viendrait me chercher. Là encore, il m’a fait peur : Hector enfin, tu ne vas pas te taper 240 bornes allers-retours pour moi ?! Arrête ! C’est surement mignon, mais peut-être pas quand ça fait 2 semaines qu’on se connait !

Je suis rentrée vendredi en fin d’après-midi, et on avait prévue d’aller au resto puis voir un match de basket. Je n’étais pas très fraîche : j'avais passé la nuit à l'hopital, je me prenais le contrecoup de ces deux jours d’angoisse, je venais de me taper 120 km avec un temps exécrable, j’avais une migraine qui commençait à s’installer et une cystite que je tentais de tenir à distance à coup de rasades d’eau et d’infusions de bruyères (j’avais rendez-vous chez le médecin le vendredi matin, mais le planning a été quelque peu chamboulé – ironie de passer 48h dans un hôpital blindé de docteurs mais qu’aucun n’accepte de s’occuper de ça). Bref, lorsque Hector est arrivé, propre comme un sou neuf, élégant et parfumé, je m’étais endormie sur mon canapé, la tête sur une bouillotte, et je macérais dans mes fringues de la veille.
Mais évidemment, parfait gentleman, il ne m’en a pas tenu rigueur

On a discuté chez moi, puis on a été au resto. J’ai volontairement choisi une pizzeria, pour manger vite avant le match, et j’ai refusé qu’il m’invite : tout ça faisait déjà beaucoup trop « rendez-vous amoureux », c’était trop formel, trop romantique… Trop. Beaucoup ″trop″ pour moi.
J’étais également particulièrement mal à l’aise au match ; assis côte à côte, comme un petit couple. Lui qui essayait de multiplier les contacts, et moi qui me sentais comme un lapin dans les phares d’une voiture, à la limite de la panique.

A la fin du match, il m'a ramené, pendant qu'il recommençait à neiger à gros flocons.
-    - Est-ce que tu as envie que je reste, cette nuit ?
-    - Tu peux rester.
Evidemment, il a tiqué sur mon choix de mots. Mais je ne pouvais pas prétendre avoir envie. Je suis une très mauvaise menteuse.
Il est resté. Il a été voir son médecin pendant la semaine pour se faire prescrire des antihistaminiques, pour pouvoir supporter de rester chez moi malgré ses allergies.
On devait « juste » dormir, et puis finalement ça a dérapé. Il a réalisé que la nuque est une zone incendiaire chez moi, et en a profité – j’adore qu’il découvre ça tout seul ; le mec-de-la-salle n’a jamais compris, lui. Sauf que je souffrais déjà de ma cystite (mais je n’avais rien osé dire). Notre rapport fut minable, et douloureux. J’ai fini par lui dire d’arrêter.

Le lendemain, je travaillais. Pas lui. Il ne s’est pas levé. Sentiment d’être le mec-de-la-salle-de-sport : je ne veux pas qu’il reste chez moi. Ça ne me plait pas. Mais je ne vais pas le virer non plus. Je continue d’espérer qu’il se lèvera. Quelques minutes avant mon départ, je me rend à l’évidence : non, il ne fait pas mine de partir. Je prends sur moi, et je lui laisse un double, en lui disant de le glisser dans la boîte aux lettres en partant – c’est au-delà de mes forces qu’il le garde.
Vers midi, il m’envoie un message un peu guindé, pour me remercier de l’avoir laissé dormir.  Et termine par « à bientôt si tu veux », qui m’agace prodigieusement.
Un peu parano, je me demande s’il aurait pu avoir la curiosité d’ouvrir mon ordi – et tomber sur mes textes le concernant. Je me dis que si j’en avais eu la possibilité avec le-mec-de-la-salle, je l’aurais fait : fouiller dans sa vie, dans son intimité, essayer d’entrer dans sa tête.

Je me dis que si ça avait été le cas, il ne m’écrirait probablement plus.

On s’échange des messages tout au long de la journée. Il me redemande ce que je veux, continue d’insister sur le fait qu’il ne sait pas qui il est pour moi. Je finis par lui répondre un peu froidement que tout ça est trop rapide, et que si la vraie question est de savoir si je suis amoureuse, la réponse est non, et que j’en suis désolée, mais que si ça lui pose un problème, alors arrêtons là.
Je crois qu’il est surpris ; il se rétracte, dit que c’est un peu tôt pour ça, que peut-être il faudrait en parler autrement que par texto. Encore un peu agacée, je lui dis que je suis rassurée de voir qu’il a quand même des notions de « trop tôt ».

J’écris au mec-de-la-salle-de-sport, pour lui donner les raisons de mon silence de 2 jours. J’ai longtemps hésité à lui dire que mon petit frère s’est fait renverser, et lui demander s’il est dispo le soir : Envie de voir s’il se fiche de moi au point de ne pas se libérer pour me soutenir. Et puis folle envie de le voir. Cette semaine à s’écrire sans ambiguïté m’a délicieusement excitée. Mais finalement je ne le fais pas : pas envie de constater que je ne suis personne, pas envie d’impulser le truc, en plus je suis épuisée et je commence à vraiment souffrir de ma cystite : je paie le dérapage de la veille, et je commence à avoir également mal aux reins.
Je suis tout de même surprise, il écrit un petit « Aie, j’espère qu’il se remettra vite », qui est la plus grosse implication émotionnel de sa part depuis des mois. Mais ça ne va pas plus loin.
J’ai l’impression de devenir folle, entre lui et Hector. Décalage complet. Bon sang, si seulement on pouvait choisir qui on aime ! La vie serait plus simple.

J'échange des mails avec une collègue, en lui disant que j’ai la très désagréable impression de jouer le rôle du mec-de-la-salle-de-sport. Je me demande pourquoi il continue de me rappeler,  s'il ressent ce que je ressens pour Hector. Pourquoi il continue de retenter, de me sourire, de ce sourire 10 000 volts quand il me voit, pourquoi reprend-il des nouvelles ?! Moi j'en fais pas des tonnes, je suis une vraie reine des glaces - ce qui est con, c'est que j'ai l'impression que c'est ce qui accroche Hector. 
La réponse de ma collègue m’a fait beaucoup réfléchir :

Concernant Le-mec-de-la-salle-de-sport … Je pense qu’il ne faut pas oublier que justement, l’homme (en règle générale) perçoit le sexe comme une fin en soi qui n’a pas besoin d’être couplée à des sentiments. En gros, l’homme (on va partir du principe que je généralise tout en sachant qu’ils ne sont pas tous comme ça hein, ça me permettra de moins écrire) est lui capable d’avoir un vrai plan cul. La femme (même généralisation) aura plus de mal. Selon moi. Et donc c’est difficile de réellement comprendre le-mec-de-la-salle en utilisant tes émotions à toi face à Hector. Pourquoi tu continues avec Hector ? parce que tu espères que des sentiments naîtront et/ou que tu équilibres ta vie sentimentale. Pourquoi le-mec-de-la-salle lui continue votre relation ? Parce qu’il aime le sexe avec toi et qu’il t’apprécie. C’est aussi simple que ça je pense. Il ne regarde pas l’avenir à mon avis, il vit au présent. Il te sourit parce qu’il t’aime bien, c’est normal. Je crois qu’il n’y a pas chez l’homme le même niveau d’interprétation que chez nous. Nous on envoie des messages codés sans arrêt. On joue aux échecs un peu aussi, on prévoit les coups à l’avance. Eux sont plus directs. Quand quelque chose les menace, genre barrette sur la table, hop il vire. Message clair car danger immédiat. Par contre se dire « faut pas que je sois trop sympa sinon elle va croire que je tombe amoureux et ça fait passer le mauvais signal » ben je pense pas. L’homme étant profondément égocentrique, ce genre d’empathie à mon avis il connaît simplement pas, alors que nous on la pratique sans arrêt, comme toi avec Hector. Et c’est peut-être aussi pour ça que Hector pige pas et s’accroche. Il se dit pas « elle me fait passer un message pour me sauvegarder dans l’avenir, pour que je me calme afin de ne pas souffrir plus tard ». Non il doit se dire primitivement « bordel elle est pas encore séduite, faut que je redouble d’efforts si je veux gagner ».
Ah oui parce que ce truc de gagner ou pas c’est horriblement masculin. Hier Machin a essayé de m’expliquer qu’il considérait sa rupture comme un échec et que c’était pas facile à gérer pour un homme (ses mots). Alors que son ex, elle, femme intelligente et sensible, lui rétorque que non, qu’au contraire ils ont gagné dans l’affaire de belles années, qu’il faut voir ce qu’ils ont vécu ensemble plutôt que la fin. Et ben merde, elle est géniale et Machin est un ... homme. Mais on le savait déjà.

Et puis plus de nouvelles du mec-de-la-salle-de-sport, de nouveau.

Par contre je continue d’écrire à Hector. Et j’aime nos échanges. Je voudrais ne pas m’y habituer, ne pas en être dépendante. Mais l’écriture, c’est tellement mon mode de communication.
Impression de m’attacher à un homme par écrit – alors que lorsqu’on est ensemble, je suis mal à l’aise.

Et puis on s’est revu. Je sortais de la salle, j’étais persuadée que ce serait ce lundi que je recroiserai le-mec-de-la-salle, qu’on ferait un cours ensemble après 1 mois sans se voir – mais non, toujours pas. Je me demande si ça sera plus dur ou plus simple, la prochaine fois que je le verrais. Toujours ce pincement au cœur, en allant chez Hector, toujours cette tentation un peu folle de ne pas tourner à droite, mais à gauche, et d’aller chez le-mec-de-la-salle, éperdue, et lui sauter dessus, et tout oublier. Ses bras, son torse, sa peau, son odeur.
Ce qui m’arrête, c’est qu’il détesterait ça.

Arrivée chez Hector, j’ai déjà presque mes habitudes. Il regarde ma roue, que j’ai tapé dans un trottoir à cause du verglas – gentleman, toujours. Il est en train de préparer à manger. Il fait couler un bain – le fameux bain, dont on parle depuis le début. Musique, lumières tamisées, vin chaud, et on se coule dans l’eau chaude, l’un contre l’autre. On discute. La discussion qu’il veut avoir depuis un moment – il ne me demande plus ce que j’attends, il est calmé. Il me dit juste que je lui plais beaucoup, qu’il aime passer du temps avec moi, et que si je ne le vois que pour le physique, je dois lui dire, qu’il puisse mettre une barrière psychologique.
On se confie beaucoup. J’apprécie ce moment. Je me blottis contre son torse. Je lui avoue que c’est très difficile pour moi de connaitre son ex-femme. Il est surpris, et n'arrive pas à comprendre - mais respecte mon fonctionnement.

Et puis ça dérape, on se caresse, mon dieu qu’un bain, c’est sexy. Il n’ose pas me toucher, moi je ne sais pas trop ce qu’il faut faire – j’ai vu un médecin, je commence un lourd traitement antibiotique et je fais toute une batterie de tests, le médecin craint des calculs rénaux..
On finit sous la douche, où on se frotte l’un à l’autre jusqu’à ce qu’il jouisse. J’adore le voir jouir, l’entendre avoir du plaisir.
Ensuite on va manger, on se pose devant la TV, l’un contre l’autre. Il me caresse les épaules et le cou. Il n’a pas mis son peignoir cette fois-ci mais un débardeur qui met diablement en valeur ses épaules, et je le regarde avec gourmandise. On se pose chacun sous un plaid, et j’ai l’impression de jouer au couple. On regarde un film, et puis on se caresse, on discute, il m’embrasse dans le cou, et je me sens bien. Je me dis qu’on fait semblant d’avoir une vie ensemble. C’est pas désagréable.
Je ne sais comment, il vient à me dire que voir plus une personne par rapport à une autre fait que celle-ci prend plus d'importance. Crois-tu vraiment, Hector ? Je pense immédiatement au mec-de-la salle, dont le souvenir me hante malgré ce mois sans nous voir. J’aimerai qu’il ait raison. Même si je rêve de retrouver les bras du mec-de-la-salle-de-sport, même si une partie de moi ne veut pas faire le deuil de ce mec qui provoque des ouragans de sensations en moi, même si je veux revivre la passion, et la folie, et être folle amoureuse, et me sentir douloureusement vivante. Pourrais-tu le remplacer, avec ton comportement exemplaire, Hector ?

On se couche trop tard, et il laisse une petite lampe allumée. Je le taquine, et on recommence à se caresser. Je crois que le fait que l’on sache qu’on ne peut rien faire joue beaucoup, on est excitée pour un rien. Je le chevauche et me frotte contre lui. Longtemps je regarde, fascinée, les expressions défiler sur son visage, ses soupirs, et ses lèvres qu’il mord parfois. Je le trouve beau. Je pourrais faire durer cette douce torture pendant des heures. Je suis trempée, et il le sent – et il le dit – et ça le rend fou. Je jouis, à me frotter contre son sexe. Et je continue à me frotter à lui, encore et encore,  pendant qu’il semble perdre la tête et lutter contre lui-même. Je finis par avoir pitié de lui – et j’ai peur de finir par lui faire mal, et je descends pour le prendre dans ma bouche. J’adore ses réactions, à quel point ça lui fait de l’effet. J’ai l’impression de le tenir dans la paume de ma main dans ces cas là – mais après tout je le tiens au bout de ma langue. Je fais encore durer le plaisir, puis j’accélère enfin. Il jouit bruyamment, je crois que je ne l’ai jamais vu si… parti. Autre part. J’adore lui faire cet effet-là.
Il me demande si ce sont mes amis homos qui m’ont appris à sucer comme ça. J’avoue que j’ai reçu quelques conseils. Mais je pense surtout qu’il aime ça, moi aussi, et que ça se sent. Il m’affirme que non « c’est comme la cuisine : tu peux aimer un plat, mais fait par quelqu’un d’autre, ça passe pas. Eh bien là c’est pareil. Ne te dévalorise pas, je te dis que j’adore comment tu me suces ». Finalement qu’importe ce qu’il en est : moi j’adore qu’il adore ça.
On discute encore, beaucoup de sexe. J’aime bien. Il s’excuse d’avoir empiré mon cas en me sautant dessus vendredi soir – mais il ne pouvait pas savoir. Il me dit qu’il ne sait pas trop ce qui s’est passé : il s’était à moitié endormi, il a posé sa main sur moi, et hop, il avait envie. Et là il commence à caresser mes fesses, et gémit qu’il a de nouveau envie. Il est 4h du matin, on doit se lever à 7h. Il arrête de me toucher pour pouvoir espérer dormir. C’est tellement agréable de faire cet effet à quelqu’un. Je me sens si belle, si désirable.
Lorsque le réveil sonne, je me tourne contre son dos, et je me rendors. Je sens bien qu’il n’a pas non plus envie de bouger. Mais on doit chacun aller travailler.
Je prends une douche rapide, le corps moite de sueur, mon tee-shirt taché de sperme. On petit-déjeune ensemble. Il est un peu moins loquace, un peu plus tendu. Je sais que son job ne le passionne pas, qu’il a déjà fait un burn-out. C’est peut-être ça.  Dommage, j’aimais bien la douce complicité qui s’était installé cette nuit. Il me demande si on se voit le soir. Il me propose de venir me chercher chez moi – je sortirai de chez le kiné, je ne veux pas reprendre la voiture tout de suite, je veux me reposer. Et il sait que je n’ai plus beaucoup d’essence dans ma voiture, et que je n’ai pas vraiment les moyens d’en remettre pour l’instant.
Moi je me demande si j’ai envie de le revoir si vite.
Oui, j’ai envie.
Mais je n’ai pas envie que des habitudes se prennent, pas envie qu’on devienne dépendant l’un à l’autre. Pas envie que le manque s’installe. Pas envie que ma vie se mette à ne tourner qu'autour de lui. Peur de me perdre dans le processus.

Lorsque je repars, dans la foret, le soleil émerge au dessus de la neige, orange et magnifique.  

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