lundi 2 octobre 2017

Metropolis, Charles-Henri, et moi.... et les autres (Ah qu'est-ce qu'on est con !)




Nous organisions une soirée avec l'Association : une projection du film Metropolis sous forme de ciné-concert, un pianiste jouant la bande-son en direct.



*Point Culture*
Metropolis est le film phare du mouvement expressionniste allemand - à mon sens, Le Cabinet du Docteur Caligari est plus représentatif de ce mouvement (et plus intéressant sur bien des points), mais j'admet très volontiers que Metropolis est un chef-d'oeuvre. La chose date de 1927 et fait tout de même 2h30, en étant entièrement muet. [Quelques anecdotes valent qu'on s'y attarde, notamment que Luc Besson s'est beaucoup inspiré de ce film pour l'esthétique du Cinquième Élément - oui, une anecdote qui a vingt ans de retard, c'est le plus récent que je puisse faire]
Blockbuster de l'époque, il nous montre une société où les pauvres sont exploités en sous-sol pour alimenter la ville à la surface (qui s'appelle donc Metropolis) où les riches vivent dans l'oisiveté. Le fils du big boss de Metropolis découvre ça (parce qu'il tombe amoureux d'une pauvresse idéaliste, évidemment) et décide de changer les choses et accessoirement de retrouver son amour (simple, classique, efficace).

Bref : C'est bien, c'est beau, c'est du génie pur (même si c'est écoeurant de candeur), et je n'accepte aucune critique négative à son encontre.  
J'étais donc enchantée que l'Asso organise cette projection.

Charles-Henri et moi nous retrouvions donc de nouveau face aux autres membres de l'Asso depuis la Crémaillère, et bien sûr, nous n'en avions toujours pas discuté : je n'avais donc aucune idée de l'attitude à adopter. Et pourtant nous aurions pu y penser, puisque nous avions passé la nuit ensemble.
Je suis arrivé avant Charles-Henri, pour découvrir que presque tout le monde était déjà là. A son arrivée, je me dandine d'un pied sur l'autre. Il va dire pour faire la bise aux autres, qui reculent tous d'un pas « Non, je suis malade ».
Ne reste plus que moi.
Il me regarde.
Je le regarde.
Flottement de plusieurs secondes.
Lisa : « C'est bon tu peux y aller, Mademoiselle B. n'est pas malade, tu peux même lui rouler une pelle si tu veux ! ».
Tout le monde rit de bon cœur.
Il me regarde.
Je le regarde.
Il est tout rouge.
Je sens que je suis toute rouge moi aussi.
On détourne le regard.
Silence pesant.
Gros malaise pour tout le monde.
J'envisage l'espace d'un instant de dire « Ok, d'accord alors ! » et d'embrasser Charles-Henri. Mais comme je ne connais pas sa politique sur le sujet, je préfère éviter.
Et dans ma tête je me dis « Mais qu’on est con ! Qu'on est con bordel ! ». Et je suis très mal à l’aise.

Il brise le silence en disant « Bon, je vais aller m'acheter à manger ! Qui veut quelque chose ? ». Je décide de l'accompagner, puisqu'on est les deux seuls à n'avoir rien dans le ventre.
Je sors avec soulagement du cinéma.
Il se tourne vers moi « Bon, alors, on s'embrasse ou on ne s'embrasse pas devant les autres ?! »
« Oh la la, c'était gênant hein ?! Moi je m'en fous, c'est pour toi »
« Moi je m'en fous aussi qu'ils sachent »
« Ok, donc c'est réglé ! »
Je me dis tout de même qu’avec la scène lamentable qu’on a joué juste avant, s’ils n’ont pas de soupçons, c’est qu’ils sont naïfs. Ou stupides. Et s’ils additionnent 1+1, ils se souviendront de ma sortie bizarre et pas subtile du tout lors de la dernière soirée, et ils auront encore plus de doutes.

On en a reparlé pendant le trajet du retour, et il m’a confié avoir lui aussi envisagé la provoc « Bon ok, alors je l’embrasse ! ». Mais qu’il ne savait pas comment je réagirai donc qu’il a préféré éviter.
On a donc eu la même idée, mais on a toujours cette retenue polie. Dommage, ça aurait pu être drôle.

On a été chercher de quoi manger et à notre retour, la salle commençait à être installé. Charles-Henri a été s'occuper des branchements, et moi je n’avais pas grand-chose à faire. Comme je flippais que quelqu’un me demande « Bon sang mais qu’est-ce qui s’est passé tout à l’heure au juste ?! », je me suis mise un peu à l’écart pour boulotter mon sandwich.

Lorsque les gens ont commencés à affluer dans la salle, j’ai retrouvé Copine#1, qui venait avec son mec (celui-ci était d’ailleurs tout fou de pouvoir voir Charles-Henri, et m’a dit, surexcité « Oooooh ! C’est lui ?! Il est beauuu !! Oooooh ! Et puis il est bien foutu !!! Ooooh c’est bieeen ! »). 
Et j’ai découvert avec horreur et révulsion que le Drageur à 1 Dong était là aussi. Pire : Il s’était permis de s’installer sur les places « Réservé Staff de l’Asso ».
J’étais furax – et j’ai été prise d’un gros doute : ce con n’essaierait tout de même pas d’intégrer l'Asso ?! On nage en plein cauchemars.

Peu de temps avant que la séance ne commence, il s’est tourné vers moi, m’a fait son plus beau sourire (alors que j’avais envie de lui cracher au visage) pour me demander : « Il y a quelqu’un à côté de toi ? »
Panique : Charles-Henri est assis plus loin à discuter, j’ignore s’il se mettra près de moi, mais quoiqu’il arrive je refuse d’avoir ce déchet à mes côtés. En plus il serait foutu d’essayer de me peloter, et je me verrai dans l’obligation de lui éclater la tronche sur le siège de devant.
Je proteste :
Heu... Il y a le photographe…
Mais ses affaires sont à côté !
Président ?
Il veut être devant
Heuuu….. Le 2e photographe ?
… 
- ...
- ....Il n’y a pas de 2e photographe...
- .... Ah.
Charles-Henri arrive, ignore superbement le Dragueur à 1 Dong et me demande :
Il y a quelqu’un à côté de toi ?
Non
Et il se met à côté de moi.
(Encore une scène lamentable – mais on va dire que c’était un état d’urgence).
Soulagement (d’esquiver l’autre imbécile) et ravissement (d’être à côté de Charles-Henri)

Il faut savoir que je suis une grande adepte du cinéma expressionniste allemand. J’ai découvert ce mouvement lorsque j’étais en Première ou en Terminal (donc il y a –Oh Mon Dieu – 12 ou 13 ans). Mon premier film, ma découverte, c’était justement Metropolis, en ciné-concert. J’avais été scotchée pendant les 2h30 que durait le film, et ça a, à une petite échelle, changé ma vie – ou ça l'a au moins auréolé d'une passion.
En regardant ce film, 12 ans après, dans des conditions presque similaires, j’ai ressenti cette même excitation, cette même palpitation dans la poitrine, ce sentiment que je regardais quelque chose d’extraordinaire et de génial. Et je regardais ça avec Charles-Henri à côté de moi, sa main sur ma cuisse, nos doigts entrelacés. Et j’ai eu le sentiment que tout ça avait un sens, que, bon sang, il ne pouvait pas être là, à cet instant précis avec moi sans que ça ait une importance particulière ! C’est trop symbolique, ça ne peut pas être anodin, être juste un hasard !
Je n’ai pas pu résister à l’envie de l’embrasser – juste quelques secondes, pour ne rien rater du film- avec le sentiment de faire quelque chose d’important, de presque réaliser un fantasme.

Lorsque le film s’est fini, tonnerre d’applaudissement.
Charles-Henri me dit « J’ai une copine et ancienne co-interne qui est venu, je suis désolé, je vais discuter un peu avec elle ! »
Ne sachant pas comment agir, n’ayant pas envie de m’immiscer dans la conversation, je vais discuter avec Copine#1, puis lorsqu’elle s’en va, je pars tranquillou à la recherche des toilettes.

Lorsque j'en sors, légère et épanouie, une fille attend devant la salle de projection. Je lui souris, et au moment où je rentre, elle me demande : « Excuse-moi, tu ne serais pas Mademoiselle B. par hasard ? »
Heu... Si, c'est moi... 
Ah ! Charles-Henri était parti te chercher ! Il me semblait bien t’avoir reconnu ! Il m’a montré fugitivement une photo de toi le week-end dernier [ils étaient partis à une dizaine d’anciens co-internes dans la maison familiale]. Cool ! Je suis contente de rencontrer la copine de Charles-Henri ! Moi c’est Fannette, nous étions co-interne lors de notre précédent stage !
Wow.
Trop d’informations.
Il a parlé de moi ?!
C’est la première fois qu’on m’appelle comme ça « La copine de Charles-Henri ». Putain oui, ça y est, j’y suis : je suis officiellement la copine de Charles-Henri.
Je ne sais plus du tout ce que je ressens.
Sur ces entrefaites, Charles-Henri arrive « Ah ben vous vous êtes trouvées ! Excellent ! ».
On discute un peu, je demande quelle est donc cette photo fugitive dont Fannette m’a parlé, et puis on va aider à démonter la salle.
Lorsque c’est fait, nous ne tardons pas à partir car Charles-Henri a proposé à Fannette de la déposer chez elle, et nous avons encore de la route avant de rentrer. Nous faisons la bise à tout le monde, et nous partons.
On passe quelques vingt minutes avec Fannette, qui est gentille – mais j’atteins vite mon seuil de « Maintenant j’ai envie d’être seule » : Il est tard, et je commence à sentir que ma journée a commencée il y a 16h.
On dépose Fannette, on se tape les 70 bornes jusqu’à chez moi qui me semblent prendre trois fois plus de temps que d’habitude, et on rentre s’échouer dans mon appartement avec soulagement. Charles-Henri tiens absolument à me déshabiller avant que je prenne ma douche, et il s’exclame « Je ne me lasserai jamais de faire ça ! »
Et puis on se blottit sous la couette. Il me dit « Je suis désolé, je suis trop fatigué ce soir… ». Et puis « Tout de même, ça m’embête de ne pas t’honorer, tu mérites mieux que ça ». Je suis tellement touchée, émue, ravie, flattée, que, la gorge nouée, je ne trouve rien à dire. Il finit par dire « Viens sur moi » et on fait l’amour, pas très longtemps mais qu’importe, c’était bon.

Après l’amour, il me demande si j’ai des « demandes sexuelles à réaliser en urgence ». Je ris. En urgence ? Non, prenons tout notre temps pour nous découvrir, c'est déjà si bon comme ça...
Il me serre contre lui, et murmure « J’adore coucher avec toi ».
Je demande d’une petite voix « Et donc tu as parlé de moi à tes anciens co-internes ? »
« Ils m’ont demandés ce que je devenais. Alors j’ai parlé de toi »
« Alors je fais partie de ce dont tu deviens ? »
« Oui, il me semble. Et moi ? Je fais partie de ce dont tu deviens ? »
« J’aimerai beaucoup. Et en attendant, depuis 1 mois, oui, clairement tu en fait parti »
« C’est vrai que ça fait un mois déjà »
« Ca ne te mets pas mal à l’aise de parler de moi ? Tout tes amis sont médecins, toute ta famille est médecin. En plus ils ont tous connus ton ex, qui était en médecine… Est-ce que je suis légitime ? »
« Quel est le rapport ?! On s’en fout non ? »
« Je ne sais pas, c’est quand même pas aussi classe »
«  Les médecins ne sont pas tous élitistes et snobinards tu sais. Il y a des gens bien ! »
« Ah. Oui. Sans doute. Apparemment »
« Et puis de toute façon, j’évite de mélanger le travail et… et…. Le reste. Je n’ai jamais couché avec qui que ce soit avec qui j’ai travaillé »
«  Hum, n’empêche qu’on est tout les deux à l’Asso »
« C’est vrai. Mais c’est l’Asso, c’est en dehors de mon travail »
« Oui, c’est vrai »
« D’ailleurs on va avoir un problème si ça ne marche pas entre nous. Toi tu coupes les ponts avec tes ex, alors ça sera compliqué avec l’Asso »
« Je… heu…. Oui…. Je…. Ne sais pas….. Je peux aussi peut-être gagner en maturité à ce propos ou…. »
Charles-Henri me coupe, chuchotant dans mon oreille : « Je plaisante Mademoiselle B. Ne pensons pas à ça, c’est idiot. Et puis après tout, on n’est pas à l’abris que ça marche bien entre nous, n’est-ce pas ? »
Je ris doucement « En effet. Eh bien partons du principe que c’est la solution au problème : que ça aille bien entre nous ».
Et on s’endort l’un contre l’autre, paisiblement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire