vendredi 13 octobre 2017

Mon corps et ma raison

Depuis une semaine, j’ai des maux de tête quasi tous les jours. Rien de gravissime, juste du stress : les démarches pour ma maison sont fastidieuses, et le temps commence à manquer. Je dois sans cesse relancer les artisans (pour les devis) et la banque (qui m’oublie), pendant que l’agence immobilière me relance et me met la pression en me disant qu'on n'a pas assez de temps.
Et à chaque appel de l’agence, je sens ma nuque devenir raide, et mes maux de tête empirer.


Après une énième journée avec beaucoup de choses à gérer, et des maux de tête persistant, je suis rentrée chez moi particulièrement démoralisé et fatiguée. J’ai vu un message de Charles-Henri me disant, à propos d’un spectacle auquel je l’invitais à la fin du mois « Je confronte mes 3 emplois du temps et je te redis ». Et je me suis sentie encore plus déprimée : Cet homme est ultra occupé. Cet homme veut faire carrière comme praticien, bosser 50h par semaines, faire de l’associatif, il a plein d’amis, plein de centres d’intérêts…
Je me suis dit « Va te coucher, tu y verras plus clair demain, ne fait pas de conneries ».
Mais plutôt que d’écouter la voix de la raison, je lui ai envoyé un message, qui disait en substance « Y-a-t-il vraiment une place pour moi au milieu de ces 3 (!) emploi du temps ? »
Charles-Henri m’a répondu « T’es sérieuse ? », et là je me suis dit « Et merde, j’aurais pas dû dire ça », j’ai tenté de m’expliquer par message et de dire « oublions ça », et puis Charles-Henri a appelé.
Charles-Henri était en Barathon (Pourtant je le savais, et j’aurais dû m’en souvenir).
Charles-Henri était bourré.
Mais surtout Charles-Henri était ultra flippé.
Je me suis sentie complètement stupide : l'archétype de la copine-boulet qui fait une crise existentielle pile quand son mec est en soirée, et qui bousille l’ambiance. Je n’arrêtais pas de dire « Je suis désolée, c’est ridicule, je suis ridicule, retourne t’amuser ». Et je me détestais.
Mais Charles-Henri voulait tirer tout ça au clair. J’ai rapidement réalisé qu’il pensait que j’étais en train d’essayer de rompre. Il répétait « Tu m’as fait peur. Tu me fais peur ».
Du coup on a parlé, parce qu’il en avait besoin… Et finalement moi aussi.
« Tu m’as fait peur parce que j’adore les moments qu’on passe ensemble, et plus je te vois, plus j’ai envie de te voir
« Je crois que c'est ce que j'avais besoin d'entendre... »
« Est-ce que j’ai fait quelque chose qui t’as fait douter de ça ? Qui t’as fait penser que ça n’allait pas ? »
« Non, au contraire. Tu es extraordinaire, et tout va très bien, on passe des moments magiques à chaque fois… »
« Tu exagères dans tes mots ! Ce n’est que moi ! »
« Oh arrête ! Quoi que tu penses de toi-même, moi je te trouve parfait, tu es la personne la plus proche de ce que je pouvais attendre dans ma vie, et tout ce qu’on vit est absolument incroyable, et je n’arrive toujours pas à comprendre comment tout ça est arrivé »
« … C’est une grosse responsabilité »
« De quoi ? »
« Cette importance que tu me donnes. Faut pas que je me rate »
« Bah…. Faut juste que tu continues à rester toi-même, c’est tout. C’est simple comme ça »
« … »
« Et donc forcément, tout va bien et j’ai peur de perdre tout ça. Mais le seul truc ″réel″ qui me fait peur, c’est que tu es effectivement une personne très occupée, et je me demande si on va y arriver »
« Effectivement, les 12 prochains mois vont être compliqués. Mon prochain internat sera surement à 1h de route de chez toi, et certaines semaines on ne se verra pas, et d’autres semaines on se verra plusieurs fois... ».
« … »
« ... Et si je ne me libère pas assez de temps, tu m’engueuleras, et on en parlera, on se disputera un peu, juste pour pouvoir ensuite se réconcilier et que je te fasse l’amour sauvagement ».
« D’accord. Mais on peut peut-être faire ça sans se disputer ? »
« Hum. Oui peut-être. Mais… Non mais en vrai j’ai pas envie de me disputer avec toi. Et je te crois assez intelligente pour qu’on soit capable de débattre posément »
« … (j’espère) »
« Je te laisse te reposer et gérer ton mal de tête, et on peut en reparler dimanche quand on se voit. Ou pas. Comme tu veux. Je t’embrasse très fort »

Ça m'a fait du bien, je me suis sentie rassurée... Même si j'ai continuée à me sentir honteuse : enfin, merde, j’ai trente ans, je suis adulte, j’ai pas à faire peser sur ses épaules mes peurs et mon stress ! Ni lui faire des crises existentielles lorsque je suis fatiguée ou que je me sens dépassée - d'autant plus que ça m'arrive souvent ces temps-ci.
Je pense que je ne peux pas m'empêcher de "jouer à me faire peur" en me rappelant que mes ami(e)s à l'école qui avaient un père médecin ne le voyaient jamais. J'ai peur d'être une femme seule.
Mais au final je ne sais pas trop de quoi j’ai besoin. D’être plus indépendante et moins flippée ? Très certainement. Peut-être qu'il faut que je lutte contre ma tendance naturelle à me reposer sur les hommes quand ceux-ci sont protecteurs et rassurants, comme Charles-Henri. Peut-être que je dois me remettre moi-même au centre de mes préoccupations, et rester forte, plutôt que de me transformer en petite chose fragile digne d'un vieux roman à l'eau de rose.

Vaste programme.

C'est d'autant plus idiot que nous nous étions vu quelque jours auparavant, dans la ville de ma famille (à 150 km de chez moi). J'y suis allé parce que je voulais voir de plus près les cuisines Ikéa, dont bon nombre de collègues m’avaient dit du bien. Et par hasard, Charles-Henri était dans la même ville, au même moment, parce qu'il visitait *aussi* sa famille : Nous nous sommes aperçus qu'en plus d'avoir le même âge, nous venions exactement de la même ville et que nos familles vivaient pas très loin (mais dans des quartiers différents, comme on peut s'en douter : ma mère a un logement social, ses parents eux sont dans le quartier des bourges). Il a fait sa scolarité dans le bahut où j’aurais dû aller (mais finalement j’ai été ailleurs), bref, nous avons grandi pas loin.
Du coup il m’a rejoint chez ma mère (qui était en formation ce jour-là) le matin, et nous avons rapidement fini sur le canapé à nous faire des bisous.
Puis rapidement nous nous sommes retrouvés nus.
Avant de rapidement réaliser qu’on n’avait pas de capotes (j’avais pourtant déjà dit qu’il fallait toujours avoir une capote dans son sac à main - j’ai oublié d’en remettre)
« Pas grave, dit Charles Henri, il va nous falloir être créatifs ! »
Et il me demande « Est-ce que tu as l'esprit d'aventure et est-ce que tu me fais confiance ? ».
Ce qui est un peu flippant dit comme ça.
Il m'a dit « Le safe word est "Topinambour" », m'a attrapé, et m'a retourné, et nous avons fait un 69 debout. Ce qui était inattendu, inédit, acrobatique, mais pas déplaisant. Je préciserais tout de même que ce genre de positions ne permet pas de se laisser aller ; on est obligé de se concentrer pour garder la position (au risque de méchamment se casser la gueule, et perso, j'ai pas envie d'expliquer aux Urgences pourquoi j'ai la tronche en vrac et deux dents en moins), donc difficile de laisser la place au plaisir.
Mais bon, on a essayé, et c'était fun.

Ensuite on s'est serré l'un contre l'autre, mon nez enfouis dans ses cheveux, sa tête dans mon cou. Je respirais avec adoration ses cheveux.
« Tu ne trouves pas que les cheveux sont l'endroit où l'on sent le plus l'odeur de l'autre ? »
« .... Non. Le souffle, c'est là où on sent vraiment l’odeur de l'autre »
Donc nous sommes restés nos visages l'un contre l'autre, à nous respirer, souffle contre souffle. Ça avait un côté incroyablement intime

Puis, avant de s'endormir, on s'est habillé parce que je devais aller chercher quelque chose chez mon ami Q.
On est donc passé à son boulot, puis on s'est baladé. Il faisait un temps radieux, le soleil brillait, le ciel était clair, et nous marchions tous les deux dans la ville de notre enfance. Décalage étonnant. « C'est bizarre d'être ici avec toi. Cette ville est celle de mon passé : je n'ai plus personne ici, à part ma famille. Et tu es là avec moi. C'est drôle ».
Malgré nos emplois du temps de dingue (et pour ma part, mon temps était compté car je repartais dans l'après midi), nous prenions notre temps. Je crois même que, l'un comme l'autre, nous avions oublié jusqu'à l'idée même du temps : on était ici et maintenant, ensemble, et c'était le plus important. Il a voulu qu’on mange en ville ensemble, et nous avons fait notre premier resto à deux. J'adore les restos - et bizarrement, c'est en mangeant que je fais le plus de confidences, comme si la nourriture me rendait suffisamment euphorique pour lâcher tous mes secrets (ce qui est le cas, vu que j'adore manger). Et nous avons passé un super moment.
Puis nous sommes repartis main dans la main, et rien n'avait d'importance que nous. On est retourné chez ma mère, on a fait une mini sieste, puis j'ai dû partir. Nos moments à deux semblent toujours trop courts - intenses, mais limités par nos emplois du temps respectifs. Car après tout, je suis moi aussi très occupée, je ne peux pas dire le contraire...

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